Contexte Scientifique et Médical

Quelques concepts de base sur le système immunitaire

La réponse immunitaire est le processus par lequel le corps se protège contre les infections par les virus, bactéries et parasites, mais aussi contre le développement de cellules cancéreuses, grâce à une série d’événements bien coordonnés. La réponse immunitaire innée constitue la première ligne de défense en intervenant immédiatement et de manière non spécifique aux menaces. La réponse immunitaire adaptative prend ensuite le relais en mobilisant des mécanismes de défense adaptés à chaque envahisseur. Après avoir été activé par le système inné, le système adaptatif apprend à reconnaître l’ennemi, ce qui explique le délai d’environ une semaine pour être pleinement efficace. En parallèle, une mémoire de l’envahisseur se crée, permettant au système immunitaire de réagir rapidement et spécifiquement en cas de nouvelle attaque.

 

L’immunothérapie : une arme efficace et prometteuse pour lutter contre les cancers

Depuis plusieurs décennies, une nouvelle approche thérapeutique contre le cancer se développe : l’immunothérapie, qui englobe l’ensemble des traitements visant à activer ou réactiver le système immunitaire. Ces interventions peuvent cibler différentes étapes du processus, en influençant aussi bien la réponse innée qu’adaptative. Ces dernières années, la prise en charge de certains cancers comme les mélanomes ou cancers du poumon a considérablement progressé grâce aux « Inhibiteurs de points de contrôle immunitaire ». Ce type d’immunothérapies empêche l’épuisement des lymphocytes T CD8, souvent vus comme les soldats du système immunitaire en raison de leur capacité à tuer les cellules infectées ou défectueuses.

Les lipopolysaccharides (LPS) : des composés bactériens capables de déclencher une réponse immunitaire contre le cancer

Depuis le 19ème siècle, on sait que des composants de la membrane de certaines bactéries appelés lipopolysaccharides (LPS) activent une réponse immunitaire innée, déclenchant ainsi les mécanismes immunitaires de lutte contre le cancer. L’utilisation clinique du LPS a jusqu’alors été limitée par ses effets secondaires, similaires à de forts symptômes grippaux. Seuls les cancers de la vessie, atteignables par injections locales, sont actuellement traités avec des extraits bactériens.

La collaboration entre les chimistes d’HEPHAISTOS-Pharma expert∙e∙s du LPS et les biologistes spécialistes de la réponse immunitaire innée de l’équipe Oncopharmacologie du Professeur Dumontet a permis le développement d’un dérivé du LPS plus efficace contre le cancer et beaucoup moins toxique : HEPHA-440. Ce composé est obtenu par extraction du LPS de la bactérie Bordetella pertussis, suivi d’une détoxification chimique et d’une formulation en liposomes, de petites particules lipidiques autour desquelles les LPS sont agrégés. Administré par voie intraveineuse, HEPHA-440 a démontré sa capacité à bloquer la croissance tumorale chez la souris, tant en monothérapie sur un modèle de cancer des os qu’en association avec des « Inhibiteurs de points de contrôle immunitaire » sur d’autres modèles de cancers solides, sans provoquer d’effets secondaires sévères.

NB : On appelle cancer solide un cancer qui forme une masse dans les tissus, par opposition aux cancers du sang. Ils représentent 90% des cancers chez l’Homme.

Cancer des os : besoin de nouveaux traitements !

Chaque année en France, environ 150 personnes, en grande majorité des enfants et adolescent·e·s, sont diagnostiquées d’un cancer des os appelé ostéosarcome. Avec les traitements actuels, des rechutes sont observées chez 20 à 40% des patient·e·s. La prise en charge de ce cancer n’a, par ailleurs, connu aucune amélioration significative depuis 30 ans. Cette nouvelle immunothérapie pourrait donc constituer une avancée clinique majeure et a reçu la désignation de médicament orphelin pour le traitement de l’ostéosarcome par l’Agence Européenne des Médicaments (EMA).

 

Objectifs du projet

Grâce au soutien financier de l’ANR et à l’ensemble des partenaires du RHU SyStInn, l’objectif du projet est d’évaluer l’efficacité d’HEPHA-440 seul chez des patient·e·s atteints de cancers des os et en combinaison avec des « Inhibiteurs de points de contrôle immunitaire » dans divers autres cancers solides (essais cliniques de phase II), après avoir déterminé la dose maximale tolérée chez l’humain lors d’une escalade de dose (essai clinique de phase I).

Parallèlement à cette évaluation clinique, la recherche fondamentale se poursuit pour approfondir la compréhension des mécanismes d’action d’HEPHA-440. Ces connaissances permettront d’identifier avec précision les patient·e·s et les types de cancers susceptibles de répondre favorablement à ce traitement, optimisant ainsi la balance bénéfice/risque.

 

Et ensuite ?

Si HEPHA-440 se révèle être sûr chez l’homme et efficace contre certains cancers solides, un essai clinique de phase III sera lancé. Cette étape ultime avant la commercialisation vise à évaluer l’efficacité du médicament sur de larges cohortes de patient·e·s en le comparant au traitement de référence ou à un placebo, et à détecter les effets secondaires rares qui n’auraient pas été observés au cours des phases précédentes. En raison du bénéfice significatif que pourrait apporter HEPHA-440 sur la santé, une mise sur le marché anticipée pourrait être envisagée en concertation avec les agences de régulation du médicament.

      Retombées Médicales, Sociétales & Economiques du projet de RHU SyStInn

  • Amélioration de la prise en charge des ostéosarcomes, un cancer pédiatrique qui n’a bénéficié d’aucun progrès médical majeur depuis 3 décennies.
  • Thérapie potentiellement efficace pour un large éventail de cancers.
  • Mise sur le marché d’une nouvelle génération de stimulants du système immunitaire inné contournant les limitations de ceux actuellement sur le marché grâce à un profil médicamenteux optimisé : sûr, soluble, efficace.
  • Traitement qui pourrait bénéficier à un grand nombre de patient·e·s grâce à une production faisable à grande échelle.
  • Thérapie administrable par voie intraveineuse pour une plus grande efficacité et un potentiel important d’applications et de combinaisons thérapeutiques.